Un violent coup de genoux dans
les testicules, plusieurs gifles,
trois heures de garde à
vue sans audition ni examen médical, voilà le
traitement qu’a dû subir Patrick Marouvin, un Saint-Paulois
de 34 ans, parce qu’il avait traversé en dehors
des bandes blanches dans une rue de Paris. Aujourd’hui,
il porte plainte.
Patrick Marouvin est encore complètement sonné
par ce qui lui est arrivé le 9 mai dernier. Si la presse
métropolitaine, dont le quotidien parisien Libération,
a mis du temps à parler de l’affaire, c’est
parce que le steward originaire de Saint-Paul attendait de se
sentir "un peu mieux dans sa tête" avant d’exposer
sa mésaventure.
Le jeune homme attend encore des résultats médicaux
pour connaître précisément les conséquences
de l’agression. Me Julien Dreyfus, son avocat, a déposé
plainte pour violences policières et s’est constitué
partie civile.
"Tu fermes ta gueule, je
te tutoie et je te mets un PV" 23 h 30 dans une rue de
Paris. Sandalettes, pantalon thaïlandais, un jeune Noir
sort du métro où il vient de raccompagner une
amie. Il traverse la rue pour rentrer chez lui. Une voix l’interpelle
: "T’as pas vu que le feu est vert, traverse pas
la rue comme ça !" Le piéton se retourne.
A cette heure, plus une voiture ne circule. Il voit un jeune
policier dans une voiture garée. Il s’excuse mais
l’agent le regarde de travers et lui lance : "Casse-toi
et fais gaffe la prochaine fois !" Mais voilà, le
jeune homme n’a pas l’habitude qu’on lui parle
sur ce ton. Patrick Marouvin est steward et ancien majordome
dans la marine nationale. Parfaitement bilingue, il partage
sa vie entre ses appartements de Londres et Paris. Aujourd’hui,
à 34 ans, il ne supporte plus le délit de faciès
et répond au blondinet qui l’interpelle : "Vous
n’avez pas à me tutoyer ni à me manquer
de respect. -Tu fermes ta gueule, je te tutoie et je te mets
un PV. T’es qu’un gigolo", articule le policier.
Patrick Marouvin abandonne sa carte d’identité
et propose de la récupérer le lendemain au commissariat.
Il s’apprête à rentrer chez lui. Mais les
agents ne considèrent pas les événements
de la même manière. Ils sortent du véhicule,
l’interpellent, le menottent, lui assènent un violent
coup de genoux dans les testicules et l’embarquent. "A
ce moment, j’ai cru que c’était des faux
policiers, qu’ils avaient dérobé des uniformes.
Ils se sont jetés sur moi. J’ai crié mais
personne n’est intervenu." Dans la voiture, le policier
le plus jeune, qui l’avait interpellé verbalement,
lui crache sa fumée de cigarette au visage et évoque
sa couleur de peau : "Chez toi, tu ferais pas ça.
De toutes façons, t’es cuit. Ca va faire mal et
t’es foutu." Il est placé en garde à
vue pour "outrage et rébellion", "délit
de fuite" et "jet sur la voie publique". On le
met à nu, on le fouille. Il refuse de signer le procès-verbal
et réclame un médecin. Ses testicules gonflent
et le font souffrir.
Délit de faciès
Placé derrière les barreaux, il se tord de douleur.
"J’allais toutes les dix minutes aux toilettes, je
n’en pouvais plus." Un policier croit qu’il
feint et lui donne "quatre ou cinq claques". Patrick
Marouvin se croit dans un film. Est-ce bien en France, dans
son propre pays qu’on le traite de la sorte ? Le Saint-Paulois
vit un cauchemar. Après trois heures d’une garde
à vue surréaliste, il est enfin emmené
aux services des urgences de l’Hôtel-Dieu escorté
par d’autres fonctionnaires de police. De là, il
est transféré au service d’urologie de l’hôpital
Tenon, où des médecins constatent qu’il
souffre d’un hydrocèle : le testicule renferme
du sérum et prend l’aspect d’une tumeur.
Dès le lendemain, il est opéré. La garde
à vue est levée après l’opération,
pour convalescence. Il n’a donc pas été
auditionné. Quelques jours après les faits, il
décide de porter plainte. Me Julien Dreyfus, son avocat,
considère qu’il y a eu abus de pouvoir et qu’il
peut obtenir gain de cause. Il dépose plainte auprès
du doyen du tribunal de grande instance de Paris et auprès
de l’inspection générale des services. Aujourd’hui,
Patrick Marouvin considère que les faits ne se sont pas
produits par hasard : "Moi, j’ai le crâne rasé
et je suis noir. Je vais pas dire black car c’est un terme
hypocrite. J’aime pas dire que c’est du délit
de faciès, mais là, c’est ça. Je
suis pas un violent mais il faut dire ce qui est. Quelqu’un
qui n’est pas noir, il ne se fait pas arrêter de
cette manière. Ils ont dû confondre. Je n’avais
pas l’uniforme. Ils m’ont dit : " T’es
bourré. T’as vu tes potes là-bas. "
Ce qui est certain, c’est que je n’aurais jamais
eu ce problème à Londres."
Frédérique Seigle
La mère de Patrick :"C’est
du racisme à ce niveau-là" Vivienne, la mère
de Patrick Marouvin, sait que son fils n’aime pas se laisser
faire mais elle considère que de tels actes commis par
des agents de police sont proche du délit de faciès.
"Ce que me raconte mon
fils, je sais que c’est la réalité. Je suis
sa mère et je le crois. Mais peut-être qu’il
s’est rebiffé car il n’aime pas se laisser
faire. Devant les policiers, il vaut mieux s’écraser.
Je sais qu’il ne travaillait pas quand c’est arrivé,
peut-être qu’il était habillé un peu
décontracté comme il aime le faire.
"Mon fils a passé
son bac en France, il a eu son diplôme de steward, c’était
un bon élève. Il est allé étudier
en Angleterre également. Il parle couramment l’anglais,
l’allemand et l’espagnol. Il a un appartement à
Londres et un à Paris. En Angleterre, tout se passe bien.
Mais je sais qu’en France, il avait déjà
eu des problèmes parce qu’il était noir.
Comme il me dit : "L’habit ne fait pas le moine"
mais il s’était quand même fait refuser dans
certaines compagnies. Au moment des faits, il devait avoir la
tête rasée, comme il aime l’avoir. Il s’habille
peut-être un peu cool mais il est tout à fait respectable
dans son travail. C’est du délit de faciès.
Quand je vois ce qu’il lui ont fait, je me dis que c’est
du racisme à ce niveau-là."
source: www.clicanoo.com