L’inspection générale de
la police nationale a été saisie après
la plainte déposée par l’avocate d’un
Meulanais.
Atteint d’un cancer en phase terminale,
Jean-Luc Fatol aurait subi une arrestation musclée alors
qu’il intervenait auprès des policiers en train
d’interpeller son fils. L’association SOS Racisme
a écrit au ministre de l’Intérieur pour
dénoncer ce qu’elle estime être « une
bavure policière ».
« Lorsque le cancérologue qui
le suit à l’hôpital de Mantes a vu l’état
dans lequel Jean-Luc Fatol était, il a été
choqué », affirme l’avocate Me Horia Dazy-Masmi.
Atteint d’un cancer de l’estomac en phase terminale,
ce Meulanais de 40 ans aurait subi une interpellation musclée
alors qu’il se serait opposé à l’arrestation
de son fils.
Le certificat médical fait état
de plusieurs hématomes derrière la tête
et à la tempe ainsi que de lésions diverses. «
Une hématomie entraînant l’aggravation de
son impotence liée à un état de santé
antérieur précaire », souligne le médecin
de famille qui a prescrit 15 jours d’ITT. Selon son épouse,
une radio passée jeudi à l’hôpital
François-Quesnay révèle qu’il aurait
aussi été touché au niveau du sternum.
Très affaibli, Jean-Luc Fatol a dû
être hospitalisé dimanche à Mantes-la-Jolie.
L’affaire mobilise l’association SOS Racisme qui
a écrit au préfet des Yvelines et au ministre
de l’Intérieur pour dénoncer ce qu’elle
estime être une « bavure policière ».
Le président de SOS Racisme demande « la condamnation
la plus ferme face à des agissements qui salissent l’image
de police ».
Me Horia Dazy-Masmi a déposé
plainte auprès du Procureur de la République.
Elle doit être reçue cette semaine par Dominique
de Villepin. L’avocate souhaite également déposer
le dossier demande la commission Tuche chargée de la
déontologie de la sûreté.
Une semaine après les faits, il est
encore difficile d’y voir clair tant les versions de la
famille et de la police sont différentes. L’inspection
générale de la police nationale a été
saisie du dossier. Elle mène une enquête au commissariat
des Mureaux.
Pentecôte cauchemardesque
Le lundi de Pentecôte qui devait être
une belle fête de famille a tourné au cauchemar.
Il est près de treize heures, les deux
fils Fatol reviennent du marché. Ils sont tout près
du domicile familial, Allée des Marguerites à
Meulan-Paradis lorsque l’aîné, Thomas 16
ans, aperçoit un copain sur son scooter. Il est en train
de le saluer lorsque des gardiens de la paix arrivent appelés
par un ancien policier du commissariat des Mureaux. Sa femme
vient d’être bousculée par un jeune scooter.
Discussion, contrôle d’identité. «
Voyant son frère entre les policiers, le plus jeune est
monté prévenir mon mari. Malgré la faiblesse
de son état, il a rassemblé ses forces pour descendre
avec un ami qui était à la maison voir ce qui
se passait », explique Sylvie, l’épouse.
Jean-Luc Fatol proteste contre l’interpellation
de son fils. Il demande des explications et affirme que Thomas
n’a rien à voir avec l’affaire du scooter,
que ce n’est pas un délinquant. Il veut qu’on
le relâche, explique que toute la famille et les amis
sont réunis pour fêter l’anniversaire de
son jeune frère Thibaud qui vient d’avoir ses treize
ans. C’est jour férié, les voisins entendent
des cris et viennent aux fenêtres. Un petit attroupement
se forme et les gardiens de la paix appellent des renforts.
Trois voitures de police se rendent sur les lieux.
L’épouse qui n’est pas là
au moment de l’interpellation arrive sur les entre-faits.
Elle revient des courses avec le gâteau d’anniversaire
: « Mon mari était maintenu au sol par deux policiers
très jeunes. L’un d’eux le frappait. Je me
suis précipitée. Il avait de la bave qui coulait
de sa bouche. J’ai crié, supplié qu’on
le laisse parce qu’il était très malade,
qu’il avait un cancer en phase terminale ».
Jean-Luc, son ami Emmanuel, Thomas et le jeune
au scooter sont conduits au commissariat suivis par la famille
et les amis. Toujours la même obsession : demander qu’on
relâche Jean-Luc dont l’état de santé
inquiète tout l’entourage. Sur place l’officier
de police judiciaire appelle les pompiers. Sans escorte policières
et donc libres, les deux hommes sont conduits à l’hôpital
de Meulan. Après examen et un certificat médical
Jean-Luc rentre chez lui. L’avocate a été
prévenue. Son épouse toujours au commissariat
attend qu’on relâche son fils. L’histoire
aurait pu s’arrêter là.
Retour au commissariat
Mais vers 18 h 30, Jean-Luc Fatol reçoit
un coup de fil. On lui demande de redescendre au commissariat,
d’après lui pour signer des papiers concernant
la remise en liberté de Thomas. « Je pensais que
les policiers allaient s’excuser », commentera-t-il.
Arrivé aux Mureaux, il est placé
en garde à vue ainsi que son ami Emmanuel.
Selon la direction départementale de
la sûreté publique, Jean-Luc Fatol aurait été
menaçant et se serait nettement opposé à
l’interpellation de son fils. Sa femme Sylvie n’y
croit pas : « Mon mari menaçant ? Ce n’est
pas sérieux. Il est complètement affaibli. Il
marche comme un vieillard. Il ne pèse plus guère
que 60 kg pour 1,83 m ».
Tandis que l’avocate multiple les fax
pour prévenir le commissariat que « l’on
est en présence d’un homme dont le pronostic vital
est en cause », Jean-Luc Fatol attend le médecin
de l’unité médicolégale. Il passera
vers minuit et quart, près de cinq heures après
le début de la garde à vue. Le médecin
confirme que l’état de santé de M. Fatol
n’est pas compatible avec la garde à vue. Il est
alors conduit pour la deuxième fois à l’hôpital
de Meulan, encadré par les policiers cette fois, Là
encore les témoignages sont contradictoires sur les conditions
dans lesquelles il a passé la nuit aux urgences (voir
notre encadré).
Du côté de la DDSP, on estime
que « sur le plan procédural, on a fait ce qu’il
fallait faire ». Évoquant l’enquête
de l’IGPN, lors d’une conférence de presse
à la préfecture, lundi matin, le directeur départemental
M. Sonrier a souhaité que « la lumière soit
faite sur cette affaire ». « Nous n’avons
rien à cacher » a-t-il ajouté. « S’il
y a fautes, elles seront sanctionnées », a précisé
le préfet Bernard Niquet.
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La nuit sur un brancard
« Mon mari était menotté
sur un brancard, réveillé toutes les heures par
les policiers pour lui changer ses menottes », affirme
son épouse en contenant mal sa colère. Me Horia
Dazy-Masmi parle de « traitement inhumain ».
La version de l’hôpital est différente
: « Ce patient a été vu par deux médecins
urgentistes. Il a effectivement passé la nuit sur un
brancard, pas dans les couloirs, mais dans un box suffisamment
confortable. Il faut savoir que les brancards des urgences sont
munis de matelas. Les infirmières sont passées
le voir toutes les demi-heures. Il a dormi toute la nuit menotté
par une main. Les policiers l’ont réveillé
vers cinq heures du matin pour la relève », explique
Danièle Lacroix, la directrice de l’hôpital
de Meulan-Les Mureaux.
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Une voisine raconte la scène
« En remontant du marché de Meulan,
j’ai fait chemin avec les deux fils de Jean-Luc Fatol.
Ils marchaient devant moi avec mon fils. Arrivé à
l’angle de l’allée des Marguerites, Jean-Luc
était déjà au sol, son fils était
dans la voiture de police », raconte Conchita Mouzakki.
« Un policier en tenue bleu marine avait
un genou posé à terre et tenait Jean-Luc tandis
qu’un autre lui donnait des coups de matraque sur la tête.
J’ai crié leur demandant de s’arrêter
parce qu’il est gravement malade. Mais ils ne m’ont
pas écouté. Jean-Luc était éraflé,
il suffoquait, il avait les yeux exorbités. Un policier
m’a poussé sur le côté », affirme-t-elle.
À ce moment-là, Conchita Mouzakki
a entendu un homme crier du quatrième étage de
l’immeuble : « La justice qu’est-ce que vous
en faites !… ».
« Sylvie, la femme de M. Fatol, est arrivée
à cet instant. Elle a supplié les policiers de
cesser leurs agissements… Tandis que leur fils était
emmené par la police avec son ami interpellé quelques
instants avant, j’ai accompagné Jean-Luc Fatol
et Sylvie avec mon mari au commissariat », poursuit-elle.
« Sur place, on nous a empêchés de rentrer.
J’ai vu un des fonctionnaires de police, balayer Sylvie
d’un geste du pied, qui l’a fait tomber, pour l’empêcher
de franchir la porte. Mon mari qui demandait à voir un
responsable a lui aussi été jeté au sol
».
source: Courrier
de Mantes