Outre le terrible traumatisme de l'arrivée, de la séparation
d'avec une grande partie du convoi,
les enfants, les femmes plus
âgés et les hommes, aucune humiliation ne nous
a été épargnée : tatouage, cheveux
et poils rasés, exposition des heures toutes nues sous
prétexte de désinfection.
p.29
Pour donner une idée
globale de la destruction de la population indigène d'Amérique,
Todorov rappelle qu'en 1500 la population du globe devait être
de l'ordre de 400 millions, dont 80 millions habitaient en Amérique.
Au milieu de XVIe siècle, de ces 80 millions il n'en
reste que 10. en se limitant au Mexique, à la veille
de la conquête sa population est d'environ 25 millions,
en 1600 elle est de 1 million. "Si le mot génocide
s'est jamais appliqué avec précision à
un cas, c'est bien celui-là, écrit-il. C'est un
record, me semble-t-il, non seulement en termes relatifs (une
destruction de l'ordre de 90% et plus), mais aussi en termes
absolus, puisqu'on parle d'une diminution de la population estimée
à 70 millions d'être humains.
p.36
Comme les marches étaient souvent très longues,
les conditions mauvaises et la nourriture insuffisante, il arrivait
qu'un ou plusieurs indigènes s'écroulent. Pour
ne pas perdre de temps à le délier, on lui coupait
la tête à la hauteur du collier en fer.
p.42
Ces chrétiens rencontrèrent une Indienne qui portait
dans ses bras un enfant qu'elle était en train d'allaiter
; et comme le chien qui les accompagnait avait faim, ils arrachèrent
l'enfant des bras de la mère et, tout vivant, le jetèrent
au chien qui se mit à le dépecer sous les yeux
mêmes de la mère. [...] Quand il y avait parmi
les prisonniers quelques femmes récemment accouchées,
pour peu que les nouveaux-nés se missent à pleurer,
ils les prenaient par les jambes et les assommaient contre les
rochers, ou les jetaient dans les broussailles pour qu'ils achèvent
de mourir.
p.43
Un tribunal de la Guadeloupe, par jugement du 11 brumaire an
XI (1803), a condamné Millot de Girardière à
être exposé sur la place de Pointe-à-Pitre
dans une cage de fer, jusqu'à ce mort s'ensuive. La cage
qui sert à ce supplice a huit pieds de haut. Le patient
qu'on y enferme est à cheval sur une lame tranchante
; ses pieds portent sur des espèces d'étriers
et il est obligé de tenir les jarrets tendus pour éviter
d'être blessé par la lame. Devant lui, sur une
table qui est à sa portée, on place des vivres
et de quoi satisfaire sa soif ; mais une garde veille nuit et
jour pour l'empêcher d'y toucher. Quand les forces de
la victime commencent à s'épuiser, elle tombe
dans la tranche de la lame qui lui fait de profondes et cruelles
blessures. Ce malheureux, stimulé par la douleur, se
relève et retombe de nouveau sur la lame acérée
qui le blesse horriblement. Ce supplice pouvait durer trois
ou quatre jours, selon la résistance de la victime.
p.56
Un jugement du Conseil supérieur de la Martinique a condamné,
le 17 juin 1679, plusieurs nègres à subir l'amputation
d'une jambe, plusieurs négresses à avoir le nez
coupé et tous à être marqués d'une
fleur de lys empreinte sur le front avec un fer rouge, pour
avoir cherché à s'évader.
p.57
Un jugement du Conseil supérieur de la Martinique condamna,
le 20 octobre 1670, un Noir à avoir une jambe coupée
puis exposée à la potence parce qu'il avait tué
le bourriquet d'un Blanc.
Quelques mois après (le 10 mai 1671), le même tribunal
condamna un blanc nommé Brocard, à 500 livres
d'amende pour avoir brûlé les parties génitales
d'une femme noire avec un tison ardent
p.57-58
Davoust, avant de partir, avait fait forger une grande hache
pour couper les têtes et une petite pour couper les mains.
Il se lassa de ses instruments trop expéditifs, et il
fît brûler seize Noirs, l'un après l'autre
sur la place publique du Lamentin, en présence de plus
de vingt mille Noirs, obligés à y assister.
p.58-59
Il ajoute (M. Newton) qu'il pourrait nommer plusieurs plantations
dans l'île d'Antigoa, où il est rare qu'il y ait
un esclave qui vive plus de neuf ans.
p.61
[...]un de ceux-ci lui répondit naturellement que "pourvu
que son nègre nouvellement acquis lui dure un an, qu'il
lui gagnera sa tête, c'est-à-dire ce qu'il lui
a coûté".
p.61
[...] à Saint-Domingue, dans les années 1780,
un planteur nommé Marylis invita un jour plusieurs amis
à jouer à la pétanque chez lui. Il choisit
quelques Noirs parmi ses esclaves, les fit enterrer vivants
jusqu'au cou pour pouvoir pointer sur eux. Les tuer tous, jusqu'au
dernier, prit plus d'une heure.
p.63
M. Thomas Lauman, de Saint Michael, tua deux esclaves, l'un
avec une hache, faisant jaillir sa cervelle. Il avait coutume
de se vanter d'avoir commis cet acte affreux et sanglant.
Douglas ajoute : "L'épouse de M. Giles Hick, demeurant
assez près de là où je vivais assassina
la cousine de ma femme, une jeune fille de quinze ou seize ans,
mutilant sa personne de la façon la plus horrible, lui
cassant le nez et la poitrine avec un bâton, de sorte
que la pauvre petite expira au bout de quelques heures.
p.64
Déjà en 1767, un arrêt du Conseil de Port-au-Prince
(Saint-Domingue) condamne un homme de couleur libre à
être fouetté, marqué et vendu comme esclave
pour avoir battu un blanc. Mesures insuffisantes, semble-t-il,
aux yeux de la métropole.
En 1778, le ministre fait parvenir "plusieurs exemplaires
d'un arrêt du Conseil supérieur de l'île
de France du 18 août 1777 qui condamne un nègre
libre à être pendu pour injures et attenta prémédité
en la personne de M. Foucault.
p.65
On disait couramment, même parmi les petits garçons
blancs, qu'il coûtait un demi-centime pour tuer un nègre,
et un demi-centime pour l'enterrer
p.66
Dans l'univers concentrationnaire d'Amérique, on dressait
les chiens à boire le sang des Noirs et à se nourrir
de leur chair.
p.74
Lorsque l'enfant noir jouant le rôle du fugitif ne réussissait
pas à grimper dans un arbre avant que les chiens ne l'attrapent,
il était dévoré. Sa mort n'était
pas une grosse perte et faisait partie du dressage.
p.76
Portugais, Espagnols, Français, Hollandais, anglais développèrent
l'habitude de joindre le plaisant au profitable : pour satisfaire
leurs exigences sexuelles, souvent dépravées,
le viol de fillettes et de femmes noires allait de soi.
p.77
Le règlement indiquait à quelle heure les Noirs
devaient être debout et combien de coups de fouet devait
recevoir celui qui serai en retard.
p.79
Un châtiment de vingt-cinq à cinquante coups de
fouet était prévu pour le Noir pris en flagrant
délit de lecture.
p.79
C'est ainsi que fut créée une espèce de
société d'assurances chargée de dédommager
les maîtres du prix de chaque Noirs légalement
supplicié. La conséquence la plus sinistre de
cette mesure bureaucratique fut la possibilité offerte
aux blancs de faire supplicier des Noirs malades ou trop affaiblis,
devenus des bouches inutiles, avec en prime un remboursement
souvent supérieur à leur prix marchand.
Deux siècles plus tard, dans les années 1820,
cette mesure faisait encore des ravages parmi les Noirs.
[...]les ordonnances des gouverneurs et intendants du 6 janvier
1773 et du 4 mai 1774 précisent : "Interdire aux
gens de couleur, libres de naissance ou affranchis, de porter
les noms des blancs [...]
p.85
De son propre aveu, Napoléon était prêt
à faire tuer quiconque lui parlerait de liberté
pour les Arabes et les Noirs, cette race maudite qu'il était
décidé à faire exterminer s'ils n'acceptaient
pas de rentrer dans les fers. Hitler accepta dans son entourage
quelques juifs (déclarés il est vrai Aryens d'honneur)
et, d'après Hannah Arendt : "Quand des personnes
"éminentes" intervenaient en faveur de Juifs
"éminents", elles obtenaient généralement
ce qu'elles voulaient." Autrement dit, il était
moins risqué de plaider auprès de Hitler la cause
d'un Juif "éminent" que d'en faire autant auprès
de Napoléon pour la liberté des Arabes ou des
Noirs.
p.89
(Napoléon)
[...] "Eh bien ! Monsieur Truguet, si vous étiez
venu en Egypte nous prêcher la liberté des Noirs
ou des Arabes, nous vous eussions pendu au plus haut d'un mât."
p.89
Après avoir été attaché au mât
d'un navire qui servit de poteau, Maurepas fut insulté
par une bouffonnerie affreuse : on lui mit un vieux chapeau
et de vielles épaulettes de général qu'on
eut la cruauté de fixer avec des clous. En même
temps, on amena ses soldats, son épouse et ses enfants
pour les noyer sous ses yeux. Ils détournèrent
les yeux pour ne pas regarder son visage défiguré
par le supplice. Tous furent ensevelis dans la mer. Maurepas
expira le dernier et le plus misérable.
p.91
Le Noir est attaché au poteau ; les chiens stimulés
par une faim dévorante ne sont pas plus tôt lâchés
qu'ils mettent en lambeaux ce malheureux.
p.93
Je ne dois pas vous laisser ignorer qu'il ne vous sera passé
en compte aucune ration, ni dépense pour la nourriture
de ces chiens. Vous devez leur donner des nègres à
manger. Je vous salue affectueusement.
Signé : Rochambeau
p.93
Hilberg l'a constaté en analysant le rôle joué
par la Reichsvereinigung (Union nationale des Juifs d'Allemagne)
et la façon dont les nazis surent tirer le plus grand
profit de cette collaboration.
"Ce n'était pas les Allemands qui avaient créé
la Reichsvereinigung, ni n'en avaient désigné
les chefs. Le rabbin Leo Baeck, le docteur Otto Hirsch, le Direktor
Heinrich Stahl, comme les autres, étaient vraiment des
dirigeants juifs. C'est parce qu'ils étaient représentatifs
que, malgré leur participation au processus de destruction,
ils conservèrent jusqu'au bout leur statut et leur prestige
personnel au sein de la communauté ; c'est parce qu'ils
continuèrent d'accomplir leurs tâches avec la même
conscience qu'ils furent aussi efficaces au service de leurs
maîtres allemands qu'ils l'avaient été du
temps où ils se dévouaient pour le bien du peuple
juif. Ils s'engagèrent dans l'attitude de soumission
en commençant par rendre compte à l'Office central
de sécurité du Reich des décès,
naissances et autres données démographiques, et
par informer la population des règlements allemands dans
la Jüdisches Nachrichtenblatt qu'ils publièrent.
Puis, ils ouvrirent des comptes en banque spéciaux, accessibles
aux contrôles de la Gestapo, et concentrèrent les
Juifs dans les logements des immeubles désignés.
Et ils finirent par se charger des préparatifs de la
déportation en étudiant les plans d'ensemble,
en établissement les cartes et listes, en fournissant
locaux, approvisionnement et personnel. Ainsi la Reichsvereinigung
et ses homologues de Vienne et de Prague servirent-elles de
modèle au type d'institution d'autres territoires occupés,
et dont les activités devaient mener au pire désastre.
p.105-106
(Congo)
les soldats noirs devaient justifier chaque cartouche utilisée
en présentant la main droite de la personne tuée
!
p.106
En 1896, la Kolnische Zeitung fit paraître, en se référant
à "un Belge jouissant d'une haute estime",
un communiqué selon lequel mille trois cent huit mains
coupées avaient été remises au tristement
célèbre commissaire de district Léon Fiévez
en l'espace d'une seule journée.
p.109
Pour prouver jusqu'où cela allait, [Roi] me dit qu'en
six mois de temps, ils avaient, eux, l'État, sur la rivière
Mombyo, tiré six mille cartouches, ce qui voulait dire
que six mille personnes avaient été tuées
ou mutilées. Cela veut dire plus de six mille, car on
m'a dit à diverses reprises que les soldats tuaient fréquemment
des enfants à coups de crosse.
p.109-110
L'entreprise du roi Léopold au Congo aura coûté
à ce pays "une perte de population estimée
à 10 millions de personnes"
p.114
Lumumba fut, de ce fait, condamné à mort. "A
peine deux mois après qu'il fut devenu le Premier ministre
d'un gouvernement démocratiquement élu du Congo,
un sous-comité du National Security Council américain,
responsable des activités secrètes, dont faisait
partie Allen Dulles chef de la CIA, autorisa son assassinat.
p.115
Grâce au travail de Benno Muller-Hill, enseignant et chercheur
en génétique à l'université de Cologne,
nous savons à présent que la race noire fut chronologiquement
la première victime des mesures eugéniques des
nazis
p.123
Certains maîtres prirent même l'habitude d'installer
devant leur maison des piquets sur lesquels ils clouaient la
tête de quelques Noirs sous prétexte de faire peur
à ceux qui oseraient songer à s'évader.
Cette habitude, nous la retrouverons en Afrique sous la domination
coloniale. Certains fonctionnaires allaient jusqu'à peindre
les têtes de leurs victimes par souci décoratif.
p.133
Beaucoup de femmes et d'enfants furent capturés et vingt
et une têtes apportées aux chutes. Le capitaine
Léon Rom s'en sert de décoration autour d'un parterre
de fleurs devant sa maison !
p.133
Ce n'est pas un hasard si, en arabe, "noir" et "esclave"
se disent "abd".
p136
[...] l'Islam a été colonisateur et impérial
pendant dix siècle sans en éprouver [ à
ce jour] aucune mauvaise conscience.
p.-136-137
[...] en 1904 le commandement en chef dans Sud-Ouest africain,
le général Lother von Trotha, reçoit de
Guillaume II l'ordre d'exterminer le peuple herero : "N'épargnez
aucun homme, aucune femme, aucun enfant, tuez-les tous."
p.140
Alors Jules Ferry réplique qu'à l'évidence
la Déclaration des droits de l'homme "n'a pas été
écrite pour les Noirs de l'Afrique équatoriale".
p.166
[...] dans un article paru dans le Chicago Tribune du 13 janvier
1999 sous le titre "L'envers d'un procès équitable"
: "Michael Goggin, un ancien procureur du comté
de Cook, dans l'Illinois, a récemment admis que le bureau
du procureur de district avait organisé un concours pour
voir quel procureur aurait le premier atteint, par le nombre
d'accusés qu'il faisait condamner, un poids total de
4 000 livres [environ 2 000 kilos]. Les hommes et les femmes
en cours de jugement étaient amenés dans une pièce
et pesés. La plupart des accusés étant
noirs, ce concours avait été surnommé "Niggers
by the Pound", "Des nègres au kilo".
p.194
Entre 1890 et 1930, au moins 3 000 Noirs furent lynchés
p.203
"[...] Melvin Wade a été défendu par
un avocat qui parlait des Noirs (y compris de Wade) en termes
injurieux, qui n'avait pas su présenter les mauvais traitements
endurés par son client pendant son enfance comme éléments
à décharge et qui, lors de l'audience sur la détermination
de la peine, avait demandé au jury de se prononcer en
faveur de la peine capitale." Melvin Wade fut condamné
à mort
p.211-212
La constitution de 1787 a ainsi établi un principe qui
voudrait qu'un Noir ne vaille que les 3/5e d'un blanc [...]
p.214
(les britanniques) [...] inventèrent un "impôt
sur les huttes" (Glen Grey Act de 1894) par lequel ils
pouvaient obliger même les Africains les plus récalcitrants
à aller travailler au service des Blancs au moins pendant
trois mois chaque année.
p.234
[...] en 1911 la Colour Bar, barrière de la couleur,
loi sur les mines et les travaux, selon laquelle certains emplois
spécialisés et semi-spécialisés
du secteur minier étaient réservés aux
Européens.
Cette règlementation du travail indigène fut complétée
par la loi sur l'apprentissage (Apprenticeship Act, 1922) qui
étendit la Colour à plusieurs secteurs industriels.
Les Noirs furent ainsi interdits d'accès à des
métiers tels que charpentier, maçon, électricien...
Pour protéger - tout au moins juridiquement - la pureté
de la race des seigneurs, le gouvernement britannique promulgua
en Afrique du Sud l'Immortality Act en 1927. Il interdisait
les mariages entre les blancs et non-Blancs, ainsi que les rapports
sexuels interraciaux [...]
p.235
Le Grand Dictionnaire universel du XIXe siècle, oeuvre
majeure de Pierre Larousse, publié entre les années
1866-1880, propose à l'article "Nègre"
: "C'est en vain que quelques philanthropes ont essayé
de prouver que l'espèce nègre est aussi intelligente
que l'espèce blanche. Quelques rares exemples ne suffisent
point pour prouver l'existence chez eux de facultés intellectuelles.
Un fait incontestable, et qui domine tous les autres, c'est
qu'ils ont le cerveau plus rétréci, plus léger
et moins volumineux que celui de l'espèce blanche, et
[...] ce fait suffit pour prouver la supériorité
de l'espèce blanche sur l’espèce noire."
p.237
Et lorsque "en octobre 1966, le professeur Abrahams, grand
rabbin sioniste d'Afrique du Sud, fit l'éloge funèbre
du Premier ministre sud-africain Verwoerd, il le présenta
comme un homme sincère, d'une profonde intégrité,
un homme dont la conscience morale avait inspiré toute
sa politique, et qui fut le premier à avoir donné
l'apartheid un fondement moral [sic".
p.240
Les dirigeants de l'État d'Israël prirent la responsabilité
de fournir l'aide militaire et technologique nécessaire
au bon fonctionnement de l'apartheid. Dans ce même temps,
la communauté juive sud-africaine pesait de tout son
poids auprès des organisations sionistes internationales
pour solliciter leur bienveillante compréhension vis-à-vis
des anciens collaborateurs du IIIe Reich, En échange,
le gouvernement de l'apartheid, par une dérogation spéciale
au règlement des devises, autorisa la communauté
juive sud-africaine à effectuer un transfert de fonds
considérable, tous les ans, vers Israël par l'intermédiaire
de la fédération sioniste d'Afrique du Sud.
p.244
En octobre 1969, c'est Ben Gourion qui y reçoit un accueil
chaleureux : "Il fit l'éloge des supériorités
de la technique israélienne d'expulsion de la population
indigène et déclara que, si elle avait été
appliquée par la communauté sud-africaine, elle
aurait "garanti l'Afrique du Sud contre toute subversion
intérieure".
p.245
Cette volonté des dirigeants israéliens de se
présenter devant l'opinion publique internationale et
devant l'histoire comme les uniques héritiers des six
millions de Juifs assassinés aurait été
plus crédibles si, dans le même temps, ils n'avaient
pas tissé avec d'anciens nazis l'alliance raciste israelio-sud-africaine
qui fit de l'État israélien le plus courageux
allié du régime d'apartheid.
p.247
Plus de 77 000 Noirs d'Afrique du Sud s'engagèrent volontairement
aux côtés de l'Angleterre contre le nazisme. Pourtant,
les puissances alliées, après avoir traduit en
justice ceux qui s'étaient rendus coupables de traiter
des Européens comme des nègres, choisirent de
soutenir en Afrique du Sud ceux qui avait activement soutenu
l'Allemagne nazie !
p.254
Les prisonniers décédés étaient
jetés dans des fosses communes et il n'était pas
obligatoire de prévenir les familles. D'ailleurs, souvent
les familles n'étaient pas au courant du transfert d'un
prisonnier vers une ferme-prison.
p.255
Entre 1960 et 1970, d'après l'Institut des relations
raciales d'Afrique du Sud, 1 820 000 Africains sont déportés
vers les bantoustans, en application stricte du Bantu Louis
Amendement Act de 1964 qui "autorise l'expulsion hors zones
urbaines [c'est-à-dire les zones blanches] des contrevenants
aux lois sur le passe".
Entre 1970 et 1974, le rythme des déportations s'intensifie
considérablement, si bien qu'en 1974, et toujours d'après
l'Institut des relations raciales, le chiffre des Africains
déportés atteint 4 169 000 environ.
[...] Environ 3,8 millions
d'Africains sont quand à eux expulsés des zones
blanches dans le cadre d'un plan de "remembrement"
annoncé en 1972.
p.262
Il en est ressorti que les habitants du Transkei, du Ciskei
et du Namaqualand meurent de faim par centaines. La malnutrition
est générale : 75 à 80 % des enfants examinés
dans les deux hôpitaux du Pondoland au Transkei en souffraient
: un grand nombre en meurt ou a subi des dommages cérébraux
irréparables [...]
p.263
En août 1974, le docteur Trudi Thomas, qui exerçait
depuis vingt-cinq ans au Ciskei, dans un discours prononcé
lors de l'assemblée générale annuelle du
Kupagani à East London fait savoir que presque la moitié
des enfants du Ciskei ont une taille inférieure à
la normale du fait de la malnutrition. Et une enquête
a montré qu;au Kwazulu, la malnutrition est en train
de transformer la morphologie des habitants ; ils deviennent
petits, chétifs et sont diminués mentalement.
p.263
C'est ce qui rend moralement insoutenable la politique de la
France, du Royaume-Uni et des États-Unis. Forts de leur
droit de veto, ces pays s'opposèrent systématiquement
à l'adoption de sanctions économiques radicales
à l'encontre de l'apartheid.
p.273
Entre temps, note Indres Naidoo, "les crédits et
les investissements directs de la France, des États-Unis,
de l'Angleterre, de l'Allemagne fédérale [au pays
de l'apartheid] atteignent la somme énorme de 30 milliards
de dollars.
p.273
Le comité contre le crime d'apartheid, crée par
l'assemblée générale de l'ONU, entreprend
un travail d'informations et exprime sa préoccupation
face au renforcement des relations politiques, économiques,
militaires entre Israël et le régime d'apartheid.
Dans sa résolution 3151 G (XXVIII) du 14 décembre
1973, l'assemblée générale des Nations
unies condamne cette alliance.
La portée de cette résolution restera mitigée
en raison de sa confidentialité.
p.274
En 1976, alors que les forces antiracistes dans le monde se
mobilisent pour soutenir le peuple sud-africain, le Premier
ministre israélien Yitzhak Rabin adresse une invitation
au Premier ministre sud-africain J.B. Vorster.
p.275
[...]dans sa résolution 3151 G (XXVIII) du 14 décembre
1973, l'assemblée générale avait condamné
l'alliance entre le racisme sud-africain et le sionisme et "définit
le sionisme comme une forme de racisme et de discrimination
raciale".
En 1975, l'Unesco avait déjà
condamné Israël notamment pour ses pratiques en
matière culturelle assimilées à du racisme.
p.277
Tuchler militait dans l'Organisation sioniste de Berlin où
il était chargé des relations avec le parti nazi.
p.278
[...] les enfants se mirent à crier : "Kaffirs...
coolis!" et certains nous jetèrent des pierres.
Un petit garçon d'environ cinq ans, debout sur une plate-forme
dans la cour, pointa un fusil de sa fabrication en criant de
sa petite voix : "Kaffirs, je vais vous tirer dessus!"
p.283
Meir Amit, ancien chef des services de renseignement israéliens
devenu président de la société Koor Industries,
révéla, pendant une visite en Afrique du Sud en
juillet 1975, que "des officiers supérieurs israéliens
se rendaient régulièrement en Afrique du Sud pour
initier les officiers sud-africains aux méthodes de guerres
modernes et aux techniques de lutte anti-insurrectionnelle".
p.288
En 1976, alors que la grande majorité de peuples, par
l'intermédiaire de assemblée générale
des Nations unies, ont adhéré à la Convention
internationale sur l'élimination et la répression
du crime d'apartheid, les gouvernements des Etats-Unis, de France
et de Grande-Bretagne continuent à utiliser leur droit
de veto pour faire échec à toute mesure effective
contre l'apartheid.
p.295
[...] en 1985, lors d'une rencontre nationale contre l'apartheid
orgnasisée à Paris, Andrée Franciscia fit
savoir à l'Assemblée que "l'armée
sud-africaine ouvertement nazie fête l'anniversaire de
la naissance de Hitler chaque année [...]
p.296
Quand à l'État d'Israël, même vers
la fin des années 1980 et alors que nous étions
à deux pas de la chute du mur de Berlin, il s'empêtrait
toujours dans sa complicité avec le crime d'apartheid.
C'est ce qui ressort de la résolution 41/35C votée
par l'assemblée générale des Nations unies,
le 10 novembre 1986, au sujet des relations entre Israël
et l'Afrique du Sud :
"L'assemblée générale,
"réaffirmant ses résolutions relatives aux
relations entre Israël et l'Afrique du Sud.
"notant les efforts que fait le comité spécial
pour dénoncer la collaboration toujours plus étroite
entre Israël et l'Afrique du Sud,
"réaffirmant que la collaboration croissante entre
Israël avec le régime raciste d'Afrique du Sud,
en particulier dans les domaines économique, militaire
et nucléaire, au mépris des résolutions
de l'assemblée générale et du Conseil de
sécurité, constitue un obstacle sérieux
à l'action internationale menée pour éliminer
l'apartheid, un encouragement au régime raciste d'Afrique
du Sud à persister dans sa politique criminelle d'apartheid
est un acte hostile envers le peuple opprimé d'Afrique
du Sud et tout le continent africain, et qu'elle constitue une
menace contre la paix et la sécurité internationale:
"1. condamne à nouveau énergiquement la collaboration
toujours plus étroite entre Israël et le régime
raciste d'Afrique du sud, notamment dans les domaines économique,
militaire et nucléaire.
"2. exige qu'Israël renonce et mette fin immédiatement
à toute collaboration avec l'Afrique du Sud, notamment
dans les domaines économique, militaire et nucléaire,
et respecte les résolution pertinentes de l'assemblée
générale et du conseil de sécurité."
p.297-298
Dans l'univers concentrationnaire d'Amérique, il n'était
pas quotidien, mais disons dans la nature du système,
que parfois une brave maîtresse énervée,
voire exaspérée, fasse rôtir lentement dans
le four de sa maison un Noir coupable de lui avoir cassé
une tasse en porcelaine à laquelle elle tenait.
p.300
Comme le disait Aimé Césaire, dès 1948,
dans son texte Esclavage et colonisation: "L'Allemagne
nazie n'a fait qu'appliquer en petit à l'Europe ce que
l'Europe occidentale a appliqué pendant des siècles
aux races qui eurent l'audace ou la maladresse de se trouver
sur son chemin."
p.300
Toutefois, dans la revue L'Histoire de novembre 1997, Olivier
Pétré-Grenouilleau, maître de conférences
en histoire contemporaine, pose la question : "La traite
des Noirs : une bonne affaire pour l'Europe ?" Voila, encore
une fois, comme d'habitude, le génocide le plus glacé
des temps modernes réduit à une analyse financière
des pertes et profits de l'Europe génocidaire.
p.302
Le professeur Marienstras eut cette réponse stupéfiante
: "Ah non, l'Allemagne ne peut pas survivre à la
méconnaissance de l'Holocauste. [...] Mais enfin, les
Noirs peuvent, s'il le veulent, ou les Indiens aussi, faire
quelque chose comme ça, car après tout il y en
a parmi eux qui sont devenus riches."
p.303
Plus de trois siècles de souffrances et d'atrocités,
réglées par un système de barbarie institutionnalisée,
ne valent même pas une petite mention à côté
des souffrances et des atrocités commises par les nazis
en Europe pendant douze ans...
p.304